Rétablir l’étanchéité d’une valve insuffisante

Les opérations cardiaques se font aujourd’hui de plus en plus souvent par technique mini-invasive, pratiquée par exemple au service de chirurgie cardiaque de l’hôpital Triemli à Zurich. Omer Dzemali, médecin-chef, répare une valve mitrale défectueuse en passant par une petite incision de quelques centimètres entre les côtes. Il faut pour cela une grande dextérité et beaucoup de technologie.

Mis à jour le 13 février 2025
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À l’hôpital Triemli, presque toutes les pièces ont une vue extraordinaire. C’est le cas aussi des salles d’opération: derrière la grande baie vitrée, tout Zurich s’étend à vos pieds. On en oublierait presque que le voyage ne nous emmène aujourd’hui pas au loin, mais dans les profondeurs du corps humain. Allongé au milieu de la salle, Marcel Flütsch, le patient, est déjà sous anesthésie générale et branché au respirateur. Dans les prochaines heures, on va réparer la fuite de sa valve cardiaque.

Pour cela, une technique dite miniinvasive, la mini-thoracotomie est employée: «Les incisions sont très courtes, ce qui fait que cette technique est beaucoup moins lourde pour les patients», explique le professeur Omer Dzemali, médecin-chef du service de chirurgie cardiaque, avant de passer à l’action. C’est lui qui va réaliser la reconstruction valvulaire.

Marcel Flütsch, 47 ans, est chauffeur poids lourd. Lors de l’examen de santé périodique, on a constaté chez lui un souffle au cœur. Il est apparu que sa valve mitrale avait une fuite. La valve mitrale est l’une des quatre valves cardiaques, elle se trouve à l’intérieur du cœur, entre l’oreillette gauche et le ventricule. Sa mission est simple, mais importante: un peu comme un clapet anti-retour, elle doit empêcher le sang pompé par le ventricule de refluer dans l’oreillette.

Si les deux feuillets de la valve ne se ferment plus correctement, on parle d’insuffisance mitrale. De ce fait, le sang pompé reflue d’une part dans l’oreillette. D’autre part, la quantité de sang éjectée dans l’organisme est insuffisante.

Préparer l'accès au cœur
L’échocardiographie réalisée en salle d’opération fait nettement apparaître le reflux de sang du ventricule dans l’oreillette à chaque battement de cœur de Marcel Flütsch. Il est huit heures du matin, les chirurgiens se mettent au travail. «Tout le monde est prêt?» demande Stak Dushaj, l’un des deux médecins assistants, avant de commencer. La mini-thoracotomie signifie que l’on n’ouvre plus le sternum avec une scie comme autrefois, ce n’est donc pas une opération à cœur ouvert.

L’accès a lieu entre deux côtes, du côté droit du thorax. L’incision ne mesure que quelques centimètres et ne laisse pas de grosse cicatrice. Pour libérer le passage vers le cœur, il faut d’abord provoquer un collapsus (affaissement) du poumon droit. Ensuite, avec un bistouri électrique, les médecins assistants découpent la peau et écartent les deux côtes. Une désagréable odeur de brûlé se répand.

Une opération cardiaque reste un solide travail manuel, mais aussi en même temps hautement technologique. Marcel Flütsch est entouré de machines, écrans, tuyaux et câbles. Plus tard, les battements de son cœur seront stoppés pour qu’Omer Dzemali l’ouvre. Il faut donc brancher le patient à une machine cœur-poumons qui se chargera pendant ce temps du travail du cœur et des poumons. À l’aine, une canule aspire le sang et le conduit à la machine. Celle-ci régule la température et enrichit le sang en oxygène. Au niveau de l’aorte, audessus du cœur, les médecins assistants posent la deuxième canule qui ramène le sang oxygéné de la machine au corps. «Ce seront bientôt cinq litres de sang par minute qui passeront par ces canules», explique Andreas Rist, anesthésiste, «il faut donc qu’elles tiennent bien.» Une mini-caméra installée à l’intérieur du corps filme le cœur. On voit sur deux immenses écrans à haute résolution qu’il bat encore vigoureusement.

La mini-thoracotomie modifie complètement le mode opératoire: l’orifice pratiqué entre les côtes n’est pas plus grand qu’un œuf. Par rapport à une opération à cœur ouvert, le chirurgien à une vue interne moins étendue. Les autres membres de l’équipe ne voient rien, ils doivent tout suivre à l’écran.

Réparation par un petit orifice
«Bonjour tout le monde», claironne Omer Dzemali avec bonne humeur à l’entrée de la salle, au bout de près de deux heures de préparatifs. Kerstin Hasler, technicienne en salle d’opération, lui enfile les vêtements stériles. Elle connaît tous les gestes du chirurgien cardiaque sur le bout du doigt et le soutiendra à tout moment au cours de l’heure et demie qui va suivre. Le grand moment approche. Un médicament met le cœur de Marcel Flütsch à l’arrêt, les bips réguliers du moniteur de surveillance s’éteignent.

On pince l’aorte et, avec des lunettes grossissantes, Omer Dzemali regarde avec attention par le petit orifice pratiqué du côté droit du corps. Il y fait passer ses longs instruments avec précaution. Il commence par découper le muscle cardiaque au niveau de l’oreillette. À l’écran, on voit apparaître la valve mitrale d’un blanc lumineux. Omer Dzemali travaille sur la valve, on voit nettement le cordage déchiré de l’un des feuillets.

Dans la mesure du possible, on essaye toujours de reconstruire une valve mitrale défectueuse à l’aide de tissus du patient. Contrairement à une valve étrangère, cela présente entre autres l’avantage que le patient n’aura en principe pas besoin de prendre des anticoagulants à long terme. Pour rétablir l’étanchéité de la valve, Omer Dzemali suture d’abord un nouvel anneau. C’est un travail minutieux et précis. À l’aide d’une aiguille, il place onze fils au bord de la valve mitrale. Il fait passer l’anneau sur ces fils, le pousse au bon endroit dans le cœur, puis le noue en place à l’aide d’un appareil qui ressemble à un pistolet au canon très allongé. Ensuite, le chirurgien cardiaque enlève certaines parties des feuillets de la valve et suture d’autres zones.

Ce n’est que quand le cœur se remettra à battre que l’on saura si les feuillets sont suffisamment serrés et étanches. Dans cette atmosphère extrêmement concentrée, quelques remarques sur le football et la coupe du monde fusent tout à coup. Plus tard, Omer Dzemali expliquera que la tension est parfois si grande qu’il s’efforce de détendre un peu l’atmosphère. Cela aide à éviter les erreurs, dit-il.

Le cœur se réveille
À présent, la valve cardiaque est réparée. La prochaine étape consiste à traiter l’arythmie cardiaque, fréquente en cas d’insuffisance de la valve mitrale. Une fois la veine pulmonaire cautérisée, le chirurgien pose un clip pour fermer l’auricule (petit appendice de l’oreillette). Cela empêche que des caillots dangereux se forment dans cette petite poche. Enfin, Omer Dzemali suture l’oreillette.

Le cœur va bientôt devoir reprendre son travail, la tension monte à nouveau dans la salle. «Bien, laissons le cœur se réveiller doucement», dit le chirurgien. La pince qui étrangle l’aorte est retirée, le cœur se remplit de sang et se met à battre, le moniteur fait à nouveau entendre ses bips sonores. Un stimulateur
cardiaque temporaire amène le muscle cardiaque à un rythme de 80 battements par minute. Tous observent impatiemment l’écran de l’échocardiographie.

On sent le soulagement: «Objectif atteint», dit Omer Dzemali d’une voie forte, «la valve se ferme, le résultat est parfait chez ce jeune homme.» De sa main gantée de bleu, il serre la main à chacun-e de ses assistant-e-s et les remercie. Entre-temps, il est onze heures passées, Marcel Flütsch a été débranché de la machine cœurpoumons. «Bon, je peux maintenant appeler la famille. Chez nous, le chirurgien ne quitte pas la salle avant de l’avoir fait», explique Omer Dzemali. Il enlève sa tenue de bloc opératoire et se retire dans un coin tranquille avec son téléphone portable.

Dans une semaine en réadaptation
Il a fini son travail, mais l’équipe a encore à faire. La salle d’opération grouille d’activités: on compte les instruments, Vasileios Ntinopoulos, deuxième médecin assistant, suture la plaie. Les un-e-s emportent les appareils ou jettent du matériel tandis que d’autres s’occupent des plaies. On enlève les tuyaux, Marcel Flütsch se réveille doucement de l’anesthésie. À midi pile, le personnel soignant le pousse au service de soins intensifs. Demain, il sera déjà au service normal et dans une semaine dans une clinique de réadaptation. Tout à coup, la salle semble vide et désertée. Derrière la grande baie vitrée, les nuages chargés de pluie se dissipent et de premiers rayons de soleil illuminent la ville.

Opérations cardiaques: tendance aux techniques mini-invasives

En 2021, 1253 opérations du cœur ont été réalisées à l’hôpital Triemli à Zurich. Les plus fréquentes étaient les opérations de la valve aortique et de la valve mitrale, les pontages et les interventions sur l’aorte thoracique. La reconstruction de valves mitrales défectueuses se fait ici uniquement par mini-thoracotomie.

La mini-thoracotomie, une procédure relativement récente
La mini-thoracotomie fait partie des opérations mini-invasives. Celles-ci sont moins lourdes pour l’organisme et permettent au patient/à la patiente de se remettre plus rapidement de l’intervention, donc de revenir plus vite à sa vie habituelle. On a commencé à pratiquer des opérations mini-invasives au service de chirurgie cardiaque de l’hôpital Triemli à Zurich en 2009. En 2013, la première mini-thoracotomie latérale a été réalisée, c’est-à-dire une intervention passant par le côté du thorax, comme celle décrite dans notre article. Les techniques mini-invasives sont utilisées pour réparer les valves mitrales, mais aussi les valves aortiques (mini-sternotomie), ainsi que dans certains cas de cardiopathies congénitales ou acquises ainsi que, de plus en plus souvent, pour les opérations de pontage.

Valve mitrale par opération ou par cathéter?
En fonction de la maladie, différentes interventions sont envisageables pour traiter une valve mitrale malade. Comme mentionné plus haut, on la répare le plus souvent par une opération chirurgicale mini-invasive. Beaucoup plus rarement, lorsqu’une reconstruction n’est pas possible, on procède à la mise en place d’une prothèse valvulaire par une opération cardiaque classique. À part l’opération chirurgicale, il existe aussi la possibilité d’une intervention par cathéter: on peut par exemple fixer une sorte de pince, le Mitraclip, dans la valve mitrale en passant par l’artère fémorale. Le clip solidarise les feuillets de la valve pour qu’elle puisse à nouveau se fermer correctement. Cette intervention se fait sous anesthésie générale, mais à cœur battant.