Une bonne hygiène protège le cœur
Une infection peut endommager le cœur. Le professeur Parham Sendi, infectiologue clinique à l’Hôpital universitaire de Bâle, explique qui est particulièrement concerné et comment se prémunir d’une infection.
Au fond, une infection, qu’est-ce que c’est?
Pr Parham Sendi: Nous parlons d’une infection lorsque des microorganismes pénètrent dans le corps ou dans un système organique. Si l’infection entraîne une maladie, c’est ce qu’on appelle une maladie infectieuse. Ces agents pathogènes sont par exemple justement les virus, mais aussi les bactéries, les champignons ou les parasites. Tous sont aussi en mesure de causer des infections au niveau du cœur ou des valves cardiaques.
Quelles sont les infections que vous observez dans le cœur?
Les deux maladies les plus fréquentes sont la myocardite virale et l’endocardite bactérienne.
Pouvez-vous les expliquer?
Commençons par la myocardite virale, qui est donc une inflammation du muscle cardiaque causée par un virus. Les virus sont de minuscules agents pathogènes munis d’informations de multiplication. Pour survivre et se multiplier, ils ont besoin d’une cellule hôte. Ils vont en quelque sorte pirater les cellules. La plupart des virus ont des types de cellules préférés. Et certains virus peuvent pénétrer dans les cellules du myocarde. Les cellules infectées se modifient, le système immunitaire le remarque et réagit, d’où une inflammation du myocarde.
Est-ce dangereux?
La plupart des patients atteints d’une myocardite s’en remettent bien, voire très bien. Mais il y a aussi des évolutions graves. En fonction de la zone du myocarde endommagée et du degré auquel il est endommagé, des troubles du rythme cardiaque ou une insuffisance cardiaque peuvent en découler.
Qui risque de contracter une myocardite?
Tout le monde peut contracter une myocardite. Nombre de nos patientes et patients adultes sont plutôt jeunes ou d’âge moyen. Nous ne trouvons souvent pas d’agent pathogène, mais les patients nous disent qu’ils ont eu un épisode de diarrhée ou un refroidissement. C’est pourquoi nous supposons alors qu’une maladie virale, sans gravité au départ, a entraîné une complication en retombant sur le myocarde.
Dans le cas de l’endocardite, ce sont essentiellement des bactéries qui sont en cause. Quelle est la différence?
Les bactéries sont beaucoup plus grosses que les virus et ce sont des organismes unicellulaires. Elles n’ont pas besoin de cellules hôtes, elles se fixent en certains endroits du corps, s’y multiplient et forment une végétation ou un abcès. Pour que les bactéries puissent se fixer, il y a généralement déjà des lésions des tissus.
Où cela se produit-il dans le cœur?
C’est l’endocarde qui est touché, c’est-à-dire la tunique interne du cœur, qui tapisse les cavités cardiaques et les valves. S’il y a par exemple une lésion dans l’endocarde, les bactéries peuvent s’y installer. Un facteur de risque sont les turbulences du flux sanguin causées par une valvulopathie. Ces turbulences portent atteinte à l’endocarde. De même, une inflammation de l’endocarde peut se produire après une opération sur une valve cardiaque. Enfin, les personnes qui ont déjà subi une endocardite ont un risque accru de contracter une nouvelle infection.
Comment les bactéries peuvent-elles arriver dans le cœur?
L’être humain est porteur d’une quantité incroyable de bactéries, au moins autant que de cellules du corps. Ces bactéries vivent avec nous, elles ont une utilité. Tant que les bactéries buccales restent dans la bouche, les bactéries cutanées sur la peau et les bactéries intestinales dans l’intestin, tout est parfait. Le problème, c’est si, par exemple à cause d’une blessure, ces bactéries quittent leur zone, passent dans le sang et vont s’installer dans l’endocarde. Si l’endocardite n’est pas soignée immédiatement, elle peut irrémédiablement endommager les valves cardiaques et mettre la vie en danger.
Peut-on la prévenir?
Oui, par des mesures d’hygiène. Cela veut dire: de bons soins dentaires et buccaux, de bons soins de la peau, désinfecter immédiatement toute plaie. Ces mesures sont particulièrement importantes et sont d’ailleurs avantageuses pour tout le monde, pas seulement pour les personnes à risque.
Qui doit faire particulièrement attention?
Les personnes atteintes de maladies ou d’anomalies des valves cardiaques doivent particulièrement veiller aux précautions d’hygiène et consulter immédiatement leur médecin en cas de fièvre. Ensuite, il y a un autre groupe dont le risque est très élevé, ce sont entre autres les personnes porteuses d’une valve cardiaque artificielle ou atteintes d’une cardiopathie congénitale. En plus des mesures déjà mentionnées, ces personnes doivent prendre des antibiotiques à titre de traitement prophylactique avant certaines interventions, par exemple un traitement dentaire. Leur cardiologue les en informe et leur remet la carte de prophylaxie des endocardites de la Fondation Suisse de Cardiologie.
Pour finir, une question qui intéresse la plupart d’entre nous: on voit un peu partout de la publicité pour des produits ou des recettes traditionnelles qui sont censés renforcer le système immunitaire. Sont-ils efficaces?
Je suis médecin conventionnel, je ne peux répondre que sous cette perspective. Nous pensons que nous pouvons remédier à une faiblesse du système immunitaire. Par exemple, si vous avez de graves carences alimentaires, vous devez adopter une alimentation équilibrée pour remédier à cet affaiblissement de votre système immunitaire ou le prévenir. Mais que l’on puisse booster un système immunitaire qui fonctionne normalement ou bien, c’est quelque chose que je ne connais pas en médecine conventionnelle.