«L’IA nous aide à reconnaître des schémas»
La dissection spontanée de l’artère coronaire est une cause rare d’infarctus du myocarde. Ce sont surtout de jeunes femmes qui sont touchées. Jelena Templin-Ghadri veut utiliser des données enregistrées et l’intelligence artificielle (AI) pour mieux étudier la maladie.
Qu’est-ce qu’une dissection spontanée de l’artère coronaire?
PD Dr Jelena Templin-Ghadri: Les artères coronaires se composent de plusieurs couches. Lors d’une dissection spontanée de l’artère coronaire ou SCAD, une ou plusieurs de ces couches se déchirent subitement. Une hémorragie se produit, de sorte que l’artère se bouche. Cela entraîne un infarctus du myocarde au pronostic similaire à tout autre infarctus.
Est-ce fréquent?
Nous manquons de chiffres fiables à ce sujet et la fréquence est probablement sous-estimée. On estime que 2 à 4% des infarctus du myocarde sont causés par une SCAD, mais 35% chez les femmes de moins de 50 ans. Ce sont surtout les femmes jeunes ou enceintes qui sont touchées.
Certaines personnes ont-elles un risque particulier?
Là encore, on manque de connaissances. Chez les patientes et patients victimes d’une SCAD, nous ne rencontrons pas les facteurs de risque classiques de l’infarctus du myocarde. Il se peut qu’une faiblesse de la paroi des vaisseaux sanguins, congénitale ou acquise, joue un rôle. L’élément déclenchant est souvent un stress émotionnel ou physique.
À l’Hôpital universitaire de Zurich, Jelena Templin-Ghadri fait des travaux de recherche sur le traitement de la dangereuse dissection spontanée de l’artère coronaire. La Fondation Suisse de Cardiologie soutient son projet de recherche.
Comment soigne-t-on la SCAD?
Il n’y a pas encore de traitement aigu spécifique. Nous ne savons pas non plus comment la soigner au mieux par la suite. Faut-il donner de l’Aspirine ou est-elle néfaste? Nous avons besoin de plus de données pour pouvoir répondre à ces questions. C’est pour cela que nous mettons en place un registre de la SCAD.
À quoi sert un tel registre?
Lorsqu’une maladie est rare, nous devons collecter énormément de données de bonne qualité pour pouvoir l’étudier. Pour le moment, 27 cliniques du monde entier participent à notre registre et nous avons déjà saisi 550 patientes et patients. Mais pour analyser les données systématiquement, il nous en faut encore beaucoup plus. Nous pourrons alors utiliser l’intelligence artificielle.
Dans quel but voulez-vous utiliser l’IA?
À partir d’un très grand volume de données, l’IA est capable de classer les patientes et patients dans différents groupes et de reconnaître des schémas. Ces schémas nous aident par exemple à savoir quels sont les facteurs qui entraînent un plus ou moins bon pronostic. Cela nous permettra dans l’avenir d’adapter le traitement pour soigner au mieux les personnes atteintes d’une SCAD.