Les lipides sanguins à la loupe
On considère qu’un excès de cholestérol LDL est l’un des plus grands dangers pour notre cœur et nos vaisseaux sanguins. Mais pourquoi et que peut-on faire contre ce problème? C’est ce que nous avons demandé à une spécialiste de l’athérosclérose, la professeure Isabella Sudano.
Le cholestérol est sujet à controverses: est-il dangereux ou non? Faut-il le soigner ou non? La professeure Isabella Sudano, spécialiste des facteurs de risque cardio-vasculaires à l’Hôpital universitaire de Zurich, s’étonne régulièrement que ces discussions soient toujours d’actualité. «À noter que nous n’avons pas ce genre de discussions sur l’hypertension artérielle ou le diabète», fait-elle remarquer. Et on dispose entre-temps de très bonnes données. C’est le cholestérol LDL, que l’on appelle aussi «mauvais cholestérol», qui est en point de mire. Les personnes qui, du fait d’une anomalie génétique, ont très peu de cholestérol LDL dans le sang, ont un faible risque cardio-vasculaire. Inversement, les personnes atteintes d’une maladie héréditaire qui fait augmenter fortement le taux de cholestérol LDL ont un risque nettement accru. «Nous pouvons donc clairement dire que l’augmentation du taux de LDL dans le sang fait aussi augmenter le risque d’infarctus du myocarde», affirme Isabella Sudano.
Artères endommagées
Le cholestérol est un lipide sanguin dont notre organisme a besoin. Comme les graisses ne sont pas solubles dans le sang, elles ont besoin pour le transport d’une sorte de conteneur: les lipoprotéines. Pour le transport du cholestérol vers les cellules de l’organisme, il s’agit de lipoprotéines de basse densité (Low Density Lipoproteins), on parle de cholestérol LDL. Le cholestérol excédentaire, qui retourne au foie pour y être dégradé, est emballé dans des lipoprotéines de haute densité (High Density Lipoproteins), on parle de cholestérol HDL ou «bon cholestérol». S’il y a trop de cholestérol LDL dans le sang, il commence à se déposer dans les parois des artères, c’est la naissance de l’athérosclérose. Ces dépôts, appelés plaques d’athérome, épaississent la paroi interne des vaisseaux, favorisent les inflammations, endommagent les artères et, s’ils se déchirent, causent la formation de caillots de sang qui peuvent représenter un danger vital. Un traitement préventif aide à soulager les vaisseaux sanguins et à éviter une aggravation.
De nombreuses substances actives pour le traitement
Pour le traitement du cholestérol, on ne tient pas compte uniquement du résultat de l’analyse: le risque global compte. Cela veut dire qu’on considère aussi d’autres facteurs qui indiquent le degré d’endommagement des vaisseaux sanguins: hypertension artérielle, tabagisme, diabète, infarctus du myocarde par le passé, etc. Et maintenant, la formule se complique encore: plus le risque est élevé, plus on commence tôt à faire baisser le cholestérol LDL et plus on l’abaisse fortement. «En effet, lorsque les vaisseaux sanguins sont déjà endommagés, il suffit de peu de cholestérol LDL pour aggraver ces lésions», explique Isabella Sudano.
Pour le traitement du cholestérol, on emploie les statines, des médicaments qui inhibent la production de cholestérol dans le foie. Les statines sont souvent aussi discutées, elles n’ont pas très bonne réputation. Or, on connaît les statines depuis des dizaines d’années et leur effet sur le cholestérol LDL, les vaisseaux sanguins et les plaques d’athérome existantes est très positif, souligne la spécialiste. Les statines diminuent le risque d’infarctus du myocarde et d’attaque cérébrale. Le revers de la médaille sont les effets secondaires, certain-e-s patient-e-s souffrant de douleurs musculaires. «Mais c’est plutôt rare et parfois dû à l’effet nocebo», affirme Isabella Sudano, c’est-à-dire des effets indésirables qui se font sentir parce qu’on s’y attend. Dans sa consultation de dyslipidémie à l’Hôpital universitaire de Zurich, lorsqu’une personne souffre de symptômes, elle lui fait cesser de prendre la statine et attend que les symptômes disparaissent avant d’en prescrire une autre. En cas d’intolérance générale aux statines, on dispose aujourd’hui de plusieurs autres substances actives qui réduisent le cholestérol LDL par d’autres moyens.
Quand les personnes âgées ont-elles besoin d’un traitement?
En présence d’une maladie cardio-vasculaire, par exemple après un infarctus du myocarde ou en cas de troubles circulatoires des membres inférieurs (MAOP), abaisser le cholestérol fait l’unanimité, y compris pour les personnes âgées. En revanche, une question encore en suspens est celle de savoir s’il convient d’abaisser le cholestérol LDL chez les personnes âgées en bonne santé. La Société Suisse de Médecine Générale SSMG ne conseille plus de mesurer le cholestérol LDL chez les personnes de plus de 75 ans en bonne santé, car certaines études indiquent que dans ce cas, un traitement n’apporte pas d’avantages. Pour Isabella Sudano et le Groupe de travail Lipides et Athérosclérose GSLA, cette recommandation est trop générale. D’après elle, certaines personnes âgées tirent bénéfice d’un traitement et la décision de traitement du cholestérol est à prendre au cas par cas par le ou la médecin avec le ou la patient-e.