45 minutes pour une nouvelle valve
De nos jours, on peut implanter une valve aortique par cathéter, c’est l’un des grands succès de l’histoire de la cardiologie. À l’Hôpital municipal Triemli à Zurich, nous avons observé le professeur Raban Jeger lors de la pose d’une valve par ce procédé.
Le mardi est le jour des valves cardiaques au service de cardiologie de l’Hôpital municipal Triemli à Zurich. Le professeur Raban Jeger, médecin-chef, et son équipe vont poser une nouvelle valve aortique à quatre patient-e-s. Pas par chirurgie, mais par cathéter, d’où le nom TAVI, abréviation de l’anglais pour implantation valvulaire aortique par cathéter. L’intervention dure moins d’une heure et la valve malade est remplacée par une nouvelle valve parfaitement fonctionnelle.
Ce matin, Rosa Kellenberger (le nom a été modifié) est la première. À 84 ans, elle avait de plus en plus de difficultés respiratoires lors d’activités de la vie quotidienne, par exemple gravir les escaliers. Les examens avaient montré que sa valve aortique, une des quatre valves cardiaques, était calcifiée et devenue trop étroite (sténosée). Ainsi, le sang ne passait plus en quantité suffisante dans le corps et le cœur devait pomper contre trop de résistance. «Si on laisse cette sténose progresser, cela peut aboutir à des pertes de connaissance», explique le professeur Jeger. Le cœur en souffre dans son ensemble, une insuffisance cardiaque peut même se développer. C’est pourquoi on veut à présent remplacer la valve aortique de Rosa Kellenberger par une valve artificielle.
Un progrès médical qui fit sensation
Le premier remplacement chirurgical réussi d’une valve aortique eut lieu en 1960 à Boston. L’opération à cœur ouvert est la norme encore aujourd’hui. Il faut pour cela faire une anesthésie générale, utiliser la machine cœur-poumons, stopper le cœur et, bien souvent, scier le sternum. Dans certains cas, cette opération est nécessaire et présente des avantages, en particulier pour les patient-e-s jeunes. Par contre, chez les personnes plus âgées ou déjà atteintes d’une autre maladie, elle peut être très lourde, voire trop risquée. Cela changea en 2002 grâce à un progrès médical qui fit sensation: pour la première fois, le cardiologue français Alain Cribier implanta alors une valve aortique artificielle par cathéter, à cœur battant. Depuis, la TAVI est considérée comme l’un des grands succès de l’histoire de la cardiologie.
Rosa Kellenberger est déjà au laboratoire de cathétérisme cardiaque, c’est aussi là que l’on réalise la pose de stents chez les personnes victimes d’un infarctus du myocarde. La TAVI se déroule de manière similaire: en partant de l’aine, Raban Jeger fait passer un cathéter dans l’artère et le pousse jusqu’au cœur. Le cathéter transporte la nouvelle valve. La patiente reste éveillée pendant toute la durée de l’intervention et peut réagir, elle n’a pas besoin d’anesthésie générale. Pendant que Raban Jeger et son assistant préparent l’abord pour l’implantation, la nouvelle valve, minuscule star de la matinée, est mise à disposition sur une tablette qui se trouve derrière eux. La valve artificielle est une armature équipée de trois feuillets et se trouve dans un récipient en plastique transparent. Les feuillets sont en tissu cardiaque de porc, c’est pourquoi la valve baigne dans un liquide de conservation. Elle a encore une largeur de quelques centimètres. Pour qu’elle se loge dans le cathéter beaucoup plus fin, on la déballe à présent et on la replie sur elle-même. Ce processus de pliage et d’insertion est réservé à un personnel spécialement formé, équipé d’outils spécifiques. Au bout de 20 minutes, tout est prêt à l’emploi.
Une intervention courte et précise
Contrairement au procédé chirurgical, lors d’une TAVI, on ne retire pas la valve malade. On pose la nouvelle valve à l’intérieur de l’ancienne de sorte qu’elle l’appuie contre la paroi du vaisseau sanguin. Lorsque Raban Jeger commença en 2007 à poser de telles valves à des patient-e-s inopérables, l’excitation et les incertitudes étaient encore grandes: «Nous tâtonnions encore un peu», se rappelle-t-il. Depuis, beaucoup de choses se sont améliorées: les interventions sont beaucoup plus courtes et précises qu’à l’époque et le risque de complications de la TAVI est comparable à celui d’une opération classique. Mais certain-e-s patient-e-s ont ensuite besoin d’un stimulateur cardiaque implanté si, lors de la pose de la valve, des voies de conduction électrique du cœur ont été endommagées.
Raban Jeger dilate la valve malade de Rosa Kellenberger à l’aide d’un ballonnet, puis met en place la nouvelle valve. Celle-ci se déploie automatiquement et se fixe sur l’ancienne. L’essentiel est fait. Pour finir, le médecin-chef et son équipe vérifient que tout est bien positionné et étanche. On retire le cathéter et suture l’incision à l’aine: au bout de trois quarts d’heure, l’intervention est terminée. En Suisse, environ la moitié des implantations de valves aortiques se font actuellement par cette méthode et la tendance est à la hausse. La TAVI est cependant plus chère que l’opération chirurgicale, c’est pourquoi elle est pour le moment réservée aux patient-e-s pour lesquel-le-s l’opération présente un risque accru.
Rosa Kellenberger est à présent transférée en salle de surveillance et va rester à l’hôpital jusqu’à vendredi matin. Si les analyses sont normales, elle pourra alors rentrer chez elle et n’aura pas besoin de réadaptation. «Votre cœur est en bon état, il sautille à nouveau comme un cabri», plaisante Raban Jeger avant que la patiente ne quitte le laboratoire de cathétérisme cardiaque. Âgée mais en forme, elle pourra gravir ses escaliers dès vendredi comme à l’accoutumée.
Quels sont les types d’interventions sur les valves cardiaques?
On peut de nos jours réparer ou remplacer chacune des quatre valves cardiaques, mais les interventions portent le plus souvent sur la valve aortique et la valve mitrale. En fonction de la valve en question, de la maladie et de l’état de santé du ou de la patient-e, les interventions suivantes sont envisageables:
- Réparation de la valve: on ne pose pas de nouvelle valve, mais répare la valve malade, par exemple en rapprochant les bords des feuillets de la valve mitrale pour remédier à une fuite. Une réparation peut se faire par opération chirurgicale ou par cathéter.
- Remplacement valvulaire chirurgical: la chirurgie cardiaque réalise ces opérations depuis plus de 50 ans. On retire la valve malade et on la remplace par une nouvelle. C’est une grosse opération dans laquelle il faut en général scier le sternum et mettre le cœur à l’arrêt. Entre-temps, on opère aussi en faisant des incisions plus petites, p. ex. entre les côtes. La prothèse valvulaire est soit mécanique, soit biologique. Une prothèse mécanique résiste très longtemps, mais elle requiert de prendre des anticoagulants à vie. La prothèse biologique ne requiert pas d’anticoagulation puissante, mais il faut la remplacer au bout de 10 à 15 ans.
- Remplacement valvulaire interventionnel: la nouvelle valve est introduite par cathéter en passant par l’aine. On évite ainsi une opération lourde sous anesthésie générale. Ces interventions sont pratiquées à cœur battant par un-e cardiologue interventionnel-le. Elles concernent le plus souvent la valve aortique, l’intervention est alors appelée TAVI. Mais il est aussi possible de remplacer une valve mitrale ou tricuspide par un procédé similaire. Les valves sont biologiques et doivent être remplacées au bout d’une dizaine d’années. Comme il s’agit de procédés relativement récents, on manque encore de données à long terme.