«Ma propre main m’était étrangère»

Ce ne sont pas toujours des conséquences dramatiques telles que paralysie ou incapacité à parler. Après une attaque cérébrale, on peut aussi avoir des troubles sensoriels ou des douleurs. Et cela peut aussi être très pénible, c’est ce dont Katrin Wyss a fait l’expérience le matin du jour de l’An il y a quatre ans.

Mis à jour le 30 janvier 2024
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Cela se produisit de manière inattendue lors d’un vernissage près de Berne: elle put à nouveau rire. Une bonne amie commit un lapsus bête, même pas vraiment drôle, mais Katrin Wyss ne put se retenir et éclata de rire. Toutes deux eurent le fou­-rire pendant cinq minutes. Après cela, elle se sentit très soulagée. Elle sentit pour la première fois qu’elle était sur la bonne voie après une longue période très difficile.

L’année avait mal commencé: au jour de l’An 2017, alors âgée de 49 ans, elle avait été victime d’une attaque cérébrale. Elle avait eu ses derniers moments joyeux le soir de la Saint-­Sylvestre, avec sa famille. À minuit, ils al­lèrent tous à l’écurie située non loin de la maison, pour avoir une bonne vue sur le feu d’artifice. Ils trinquèrent à la nouvelle année. Chez elle, Katrin Wyss s’affala épui­sée sur le canapé et s’endormit immédiatement.

À quatre heures du matin, elle se réveilla et se leva. Elle ne se sentait pas bien, sa peau était froide et son visage en­gourdi. «J’ai tout de suite pensé à une attaque céré­brale», dit­-elle. Elle alla dans la salle de bains, se regarda dans le miroir, prononça quelques mots et siffla. Tout semblait fonctionner normalement. Elle se mit au lit et dormit jusqu’à onze heures. Mais au lever, les symp­tômes étaient toujours là. Elle raconta à sa sœur que la partie gauche de son visage était engourdie et qu’elle avait des fourmillements désagréables au bout des doigts de la main gauche. Sa sœur lui conseilla d’appeler le service médical d’urgence, puis elle la conduisit à l’hôpital de Soleure.

Encore aujourd’hui une douleur très désagréable
Katrin Wyss n’avait pas l’impression d’une situation vraiment dramatique: «J’ai même pris une douche avant de partir», raconte­-t-­elle en riant. Mais une fois à la Stroke Unit du Bürgerspital de Soleure, tout alla très vite: perfusions, tomodensitométrie. Le soupçon se confirma, elle avait une attaque cérébrale. Hélas, il était trop tard pour le traitement d’urgence. Transférée au service de soins intensifs, elle dut rester allongée 24 heures pour maintenir autant que possible une bonne irrigation sanguine du cerveau. Personne ne put lui dire pourquoi elle avait eu une attaque cérébrale. Elle fait partie des 30% de patient­-e-­s chez lesquel­-le-­s les examens, aussi précis soient-­ils, ne permettent pas de déterminer clairement une cause.

À sa sortie de l’hôpital, Katrin Wyss était presque euphorique: elle avait bien surmonté l’attaque céré­brale, elle était en vie, les séquelles pourraient être considérées comme légères. Le dégrisement vint dans les semaines qui suivirent, elle allait de moins en moins bien. «Ma main gauche était très bizarre, c’était la mienne, mais elle m’était étrangère. Je ressentais un dégoût», se rappelle-­t-­elle. Elle a encore aujourd’hui des troubles sensoriels, en particulier son visage n’est plus comme avant. En situation de stress, la moitié gauche lui semble dure et figée et une douleur très désagréable se répand jusque dans les dents.

Sous-estimé la fatigue
L’attaque cérébrale la fit plonger dans une crise mar­quée d’angoisses et d’accès de panique. «Je ne fermais plus ma porte, de manière à ce qu’on puisse me secourir rapidement s’il m’arrivait quelque chose», raconte-­t­elle. Elle se réveillait souvent la nuit, était fatiguée dans la journée. Une grosse erreur fut de reprendre trop vite trop d’heures de travail, se rappelle­-t-­elle: «J’aurais dû dire tout de suite que ce n’était pas possible.» Elle som­bra dans un état d’épuisement, après le travail, elle ne pouvait plus rien faire que dormir. Elle allait de plus en plus mal, mais la compréhension d’autres personnes di­minuait: on ne voyait pas ce qu’il en était, elle pouvait tout faire, elle aurait dû se réjouir. «Le pire était quand on me disait de me secouer», raconte­-t-­elle, «cela ne m’aidait vraiment pas.»

S’accorder suffisamment de temps
Une psychothérapie et des médicaments l’ont aidée, ainsi que les sorties quotidiennes avec son poney irlan­dais d’équitation Corrib. L’animal était l’auditeur indul­gent qui lui manquait: «Corrib ne s’impatientait jamais, même si je me mettais à pleurer». Les heures passées dans la nature lui faisaient du bien, le grand air et l’acti­vité physique la fatiguaient moins que le travail intel­lectuel au bureau. Aujourd’hui, elle se sent à nouveau en forme, elle a reconquis sa place dans la vie.

Une attaque cérébrale laisse toujours des cicatrices. Les séquelles sont diverses et chacun-­e parvient plus ou moins bien à gérer l’évènement. Cependant, Katrin Wyss souhaite donner un conseil, en particulier à ceux et celles qui s’en sont bien sorti­-e-­s sur le moment: «Surtout, après l’attaque cérébrale, accordez-vous beaucoup de temps pour vous remettre. Si à un moment vous n’en pouvez plus, dites-­vous bien: c’est moi et ma santé d’abord!»