«Je suis convaincu par ce mode d’alimentation»

En Suisse, le professeur Peter E. Ballmer est un pionnier de l’alimentation méditerranéenne. Dans l’interview, il explique ce qui la rend si intéressante pour notre santé et il avoue ne pas toujours s’y tenir lui-même.

Mis à jour le 01 décembre 2025
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Avant son départ à la retraite, le professeur Peter E. Ballmer a été médecin-chef et directeur de la clinique de médecine interne à l’Hôpital cantonal de Winterthur pendant 22 ans. Dès le début de sa carrière de médecin hospitalier, il s’est intéressé à l’alimentation saine et il est l’un des premiers à avoir fait connaître en Suisse la cuisine méditerranéenne. Le Professeur Ballmer est à la retraite, mais certainement pas inactif: il continue à être médecin suppléant dans une clinique et un cabinet de médecine de famille. Un matin où il est libre, il nous reçoit chez lui pour l’interview. Il sert le café avec un morceau de chocolat et un bricelet de Fribourg. Le chocolat contient des pistaches, c’est bon pour la santé, dit-il avec un sourire en coin.

Professeur Ballmer, qu’avez-vous pris aujourd’hui au petit-déjeuner?
Pr Peter Ballmer:
Pas grand-chose, un café et quelque chose de sucré.

Un adage dit qu’il faut manger comme un roi le matin, comme un prince le midi et comme un pauvre le soir. Qu’en pensez-vous?
Le soir, il est judicieux de manger léger, c’est préférable pour bien dormir. Pour le reste, je ne suis pas vraiment d’accord. L’important est de consommer une quantité de calories raisonnable sur la journée et environ 20 à 30 grammes de protéines par repas.

Quand on parle d’alimentation, chacun et chacune se prend de nos jours pour un-e expert-e. Est-ce aussi votre expérience?
Oui, très souvent. Quand je conseille aux patientes et patients victimes d’un infarctus du myocarde d’adopter une alimentation méditerranéenne, ils me répondent: «C’est ce que je fais déjà, je prends toujours de l’huile d’olive.» Mais leurs connaissances s’arrêtent souvent là.

Vous êtes médecin spécialiste en nutrition clinique. Il y a aussi beaucoup de gourous de l’alimentation, quelle est la différence?
En tant que médecins spécialistes en nutrition clinique, nous n’émettons pas d’affirmations qui ne soient pas basées sur des preuves scientifiques. Nous trouvons ces preuves dans des études sur l’alimentation, comme la «Lyon Diet Heart Study», réalisée dans les années 1990, qui a été une étape majeure. Les participant-e-s, qui avaient tous été victimes d’un infarctus du myocarde, ont été répartis en deux groupes: la moitié ont reçu le traitement habituel, les autres ont en plus suivi un régime méditerranéen. La mortalité de ce deuxième groupe s’est avérée nettement plus basse. Cette étude et d’autres m’ont convaincu de ce mode d’alimentation.

C’est aussi en raison de découvertes médicales de ce type que les recommandations se sont modifiées depuis quelques années. Qu’est-ce qui était différent ou faux autrefois?
Autrefois, on pensait que les matières grasses étaient à bannir, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Dans l’alimentation méditerranéenne, on consomme 50% des calories sous forme de matières grasses, principalement d’huile d’olive. On misait aussi trop fortement sur les glucides.

Nous avons compris que l’alimentation méditerranéenne vous impressionne beaucoup. Pourquoi?
Elle est savoureuse, bonne pour la santé et facile à réaliser, car très proche de nos propres habitudes alimentaires. À la fin des années 1990, nous l’avons introduite à l’Hôpital cantonal de Winterthur en tant que prévention secondaire pour les patientes et patients victimes d’un infarctus du myocarde. Cela avait fait beaucoup de bruit à l’époque, même la télévision allemande en avait parlé.

Vous avez écrit que cela ne veut pas dire «pizzas et pâtes».
Exact. L’alimentation méditerranéenne, c’est la cuisine simple des pays du pourtour de la méditerranée, donc la Grèce, la Turquie, le Liban, l’Italie et l’Espagne. C’est une alimentation riche en fruits et légumes, avec peu de viande et plutôt du poulet. On utilise beaucoup d’huile végétale, en particulier l’huile d’olive. En Suisse, nous utilisons aussi l’huile de colza qui contient de l’acide alpha-linolénique, un acide gras oméga 3. Pour faire revenir dans l’huile chaude, il faut absolument choisir des huiles «High Oleic».

«L’alimentation méditerranéenne, c’est la cuisine simple des pays du pourtour de la méditerranée»


Pourquoi cette cuisine a-t-elle un effet positif sur notre organisme?

Elle a une action antioxydante. Tous tant que nous sommes, nous vieillissons et mourons parce que nous «rancissons» de plus en plus, c’est-à-dire que nous nous oxydons. Les mécanismes antioxydants contrent ce phénomène. Autrefois, on essayait d’obtenir cet effet à l’aide de comprimés, par exemple des vitamines. Mais rien de tout cela n’a fonctionné, un effet n’a jamais pu être démontré. Il faut l’approche globale de l’alimentation méditerranéenne.

Et pourquoi protège-t-elle le cœur et les vaisseaux sanguins?
Parce qu’elle a une action antiinflammatoire et antithrombotique. Des inflammations dans les vaisseaux sanguins et la formation de caillots de sang sont les deux principaux mécanismes qui causent des maladies cardio-vasculaires. L’alimentation méditerranéenne freine ces mécanismes.

Faut-il manger beaucoup de poisson?
C’est ce que croient la plupart des gens, mais en fait, non. À l’origine, l’alimentation méditerranéenne n’est pas riche en poisson, les gens ne pouvaient autrefois pas se l’offrir. Et puis de nos jours, du point de vue de la protection de l’environnement, une consommation fréquente de poisson n’est plus vraiment justifiable. Les mers sont en grande partie surexploitées. Donc si nous en mangeons, choisissons au moins le poisson de Suisse ou certifié MSC.

Est-il judicieux de le remplacer par des capsules d’huile de poisson?
Non. Premièrement, elles sont aussi fabriquées à partir de poissons. Deuxièmement, il n’y a pas de preuves qu’elles fonctionnent. Avaler une capsule, c’est facile, on se dit que tout est réglé, mais il est beaucoup plus efficace d’avoir une bonne hygiène de vie, de s’alimenter sainement et de bouger suffisamment. N’oublions pas d’avoir une demi-heure d’activité physique par jour.

En tant que végétarien-ne, est-ce que je mange sainement?
L’alimentation végétarienne a de nombreux avantages, mais il faut que les repas apportent suffisamment de protéines. Il ne suffit pas de cuisiner la même chose sans la viande.

Pourquoi est-il si difficile de nous nourrir raisonnablement?
Un grand problème est certainement l’énorme disponibilité des denrées alimentaires. Ce qu’on nous propose au supermarché, c’est de la folie: nous voulons toujours tout, des fraises en hiver, des avocats qui viennent de je ne sais où. Nous ne sortirons pas de ce cercle vicieux tant que nous pouvons nous l’offrir.

Une conséquence est que nous prenons de plus en plus de poids.
L’excès de poids est un énorme problème. Cela me fait mal de voir de jeunes gens qui ont un indice de masse corporelle de 35. C’est extrêmement difficile à réduire. Je le vois bien chez moi quand je suis un ou deux kilos au-dessus de mon poids idéal. Même en modifiant mon alimentation, il est extrêmement difficile de les perdre. Notre organisme nous pousse toujours à consommer plus.

Vous, qu’est-ce qui vous fait prendre du poids?
Je suis un grignoteur, je suis incapable de résister aux chips et aux cacahuètes salées. Je mange aussi volontiers une tranche de saucisson entre deux. Dans ce cas, ma compagne, qui est nutritionniste et diététicienne, me dit que ce n’est vraiment pas méditerranéen! 

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