«Je ne voulais plus vivre comme ça»
Marina Schmuki avait la vie devant elle lorsque, à 24 ans, elle a été victime d’une attaque cérébrale. Tout a été encore plus difficile parce que son cœur avait joué un rôle dans l’accident. Trois ans et de nombreuses interventions plus tard, les choses s’arrangent tout doucement.
Elle montre sans gêne sa cicatrice au-dessus du sein gauche: «Entre-temps, cela m’est égal qu’on la voie», dit Marina Schmuki. Sous cette cicatrice se trouve un stimulateur cardiaque qui lui permet de bouger et de fonctionner à nouveau normalement. De simples choses que l’on souhaite à un si jeune âge.
Comment en est-elle arrivée là? C’est une longue histoire, trop longue en fait pour une personne aussi jeune. Aujourd’hui âgée de 27 ans, elle relate en détail sa vie d’avant, ses rêves, ses désirs et la carrière qu’elle imaginait. Elle a toujours été ambitieuse, ajoute-t-elle. Elle voulait quitter le monde paysan modeste dans lequel elle a passé son enfance, gagner de l’argent et être indépendante. Pour elle, c’était synonyme de liberté. Après un emploi en service externe, elle entra dans une start-up informatique. Elle trouvait son travail passionnant et important, sa carrière évoluait en flèche, lorsque tout à coup, tout stoppa.
Il y a exactement trois ans, au cours d’un déjeuner entre collègues, elle fut prise de nausées. Son voisin lui commanda un coca et lui demanda avec inquiétude: «Qu’est-ce qui se passe? On a du mal à te comprendre!» Marina Schmuki commença par s’énerver, puis sentit que sa joue droite lui semblait gonflée, cotonneuse et pendait. Un autre collègue dit: «nous te conduisons à l’hôpital». Elle se leva et s’affaissa du côté droit. Dans la voiture, elle voulait écrire un SMS à un ami, mais impossible. «Tout à coup, je ne fonctionnais plus», se rappelle-t-elle, «et quand je m’en suis rendue compte, j’ai eu peur.»
«Bien souvent, je me disais, est-ce que je vais y arriver, est-ce que ça va s’arranger?»
À l’Hôpital municipal de Waid à Zurich, son épopée commença, avec d’innombrables interventions, un calvaire qu’on ne souhaite à personne. Dès le premier examen passé, Marina voulait retourner au travail et retrouver son chien. La médecin secoua la tête et lui répondit qu’il n’en était pas question, qu’on allait la transférer en ambulance à la Stroke Unit d’un autre hôpital, car elle avait une attaque cérébrale. Après d’autres examens, elle reçut un traitement de l’attaque cérébrale. La jeune femme se sentait éprouvée, épuisée. À la clinique de réadaptation, elle dut réapprendre à s’exprimer. Elle avait perdu sa bonne maîtrise de l’anglais, lors d’entretiens avec des clients, elle se sentait bloquée et était de moins en moins sûre d’elle. «Bien souvent, je me disais, est-ce que je vais y arriver, est-ce que ça va s’arranger?», se rappelle-t-elle.
En plus, elle avait très peur qu’une nouvelle attaque cérébrale puisse se produire. C’est là que son cœur entra en jeu: en effet, on constata que la cause probable de l’attaque cérébrale était un foramen ovale perméable (FOP), un petit orifice dans le cœur. La cloison qui sépare les deux oreillettes du cœur a un orifice chez tous les nouveau-nés, mais chez Marina Schmuki, il ne s’est pas fermé comme il aurait dû. Il était même relativement grand. De ce fait, des caillots pouvaient passer de l’oreillette droite à l’oreillette gauche et être ensuite entraînés dans le cerveau. Chez les jeunes victimes d’attaque cérébrale, un FOP est souvent le responsable. Dans ce cas, il faut fermer l’orifice.
On essaya de le faire selon la technique actuelle qui consiste à implanter par cathéter une petite «ombrelle». Dans la plupart des cas, cette intervention est simple, sûre et ne nécessite pas d’autres traitements. Mais pas chez Marina Schmuki: il fallut lui implanter une deuxième ombrelle. Comme la cloison n’était toujours pas étanche, le chirurgien cardiaque implanta un voile en tissus de l’organisme. Elle eut le sentiment de toucher le fond: «Je ne voulais plus vivre comme ça», dit-elle. Après l’opération compliquée, le système de conduction électrique du cœur ne fonctionnait plus correctement, il battait beaucoup trop lentement. Lors d’un effort, son pouls restait tout aussi bas, elle ne pouvait pas marcher pendant 10 minutes sans s’arrêter. Son cœur ne se remettait pas. Ce n’est que plus tard, lorsqu’on lui implanta un stimulateur cardiaque, qu’elle fut libérée de ses souffrances: le handicap, les anticoagulants quotidiens, la peur, tout était fini. Dès le premier instant, elle se sentit revivre.
«J’ai dû apprendre très tôt qu’il y a des choses plus importantes que l’argent, le prestige et la carrière», souligne-t-elle. Trois ans d’interventions, de réadaptation, de réinsertion professionnelle de l’AI, de soutien psychologique, cette période a été dure pour Marina Schmuki. Elle a maintes fois dû ralentir, douter, gérer ses incertitudes. C’est aussi grâce à ses amis que les choses s’arrangent à présent peu à peu, car elle a toujours pu compter sur leur soutien. Depuis le début de cette année, elle travaille à temps plein. Et elle fait des plans d’avenir avec un ami sans lequel elle n’en serait pas là, un ami qui l’a toujours encouragée. Marina Schmuki lève la tête, rayonnante. Mais nous n’avons pas le droit d’en dire plus.
